Hollow Dream
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Elhil
Ombre vacillante - fatal uke larmoyant
Elhil


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MessageSujet: Halfway home   Halfway home EmptyJeu 23 Juil - 17:04

Etrange.

Quelques secondes avant de se réveiller, à cet instant vaporeux où la conscience se défaisait de son linceul de rêves pour épouser le métal coupant d’une froide réalité – à cet instant précis de déséquilibre, cette seconde d’une distorsion improbable – il avait été convaincu, intimement, qu’il était… chez lui. Que lorsque ses paupières se lèveraient, ce serait pour voir les murs blancs de sa chambre, et la danse tranquille de ses rideaux, et les rayons du soleil, si chauds, si parfumés. Que, lorsqu’il ploierait la nuque, il sentirait sur son dos la caresse de ses draps, et qu’il aurait tout loisir de maudire son réveil matin pour enfouir son visage bougon au creux de son oreiller. Et qu’il pourrait se rendormir, paisiblement.

Mais ce qu’il sentait à nouveau se presser contre son ventre n’avait rien de commun avec la douceur d’un matelas. Et il était trempé. Il sentait ses cheveux collés contre ses joues comme des larmes sèches, ses vêtements adhéraient sournoisement à sa peau. Lorsqu’il ouvrit les yeux, ce fut pour se rendre compte qu’il ne pourrait jamais rentrer à New Delhi. Et le regard liquide qu’il promena aveuglement dans le vide fut triste, mais résigné. Il savait aussi qu’il aurait dû mourir, cette fois encore – et pour de bon. La Vallée avait décidée de les engloutir dans les eaux ses pluies. Elhil cilla faiblement, sans bouger, et respirant à peine. Il se souvenait.
Longtemps, il s’était terré dans ce qui restait du Manoir ; effrayé à l’idée que le moindre pas à l’extérieur le menât à ce Vincent Korbaz, ce beau reflet de chair d’un fantôme qu’il aimait. Il s’était terré, donc, animal tremblant, Ombre plus que jamais dans les ténèbres humides. Et longtemps, après, il avait erré, affamé, et terrifié par sa propre avidité. Il s’était mis à rôder autour de la clairière où apparaissaient les nouveaux comateux. Et il s’était nourri, et il avait pleuré – comme toujours. L’eau avait commencé à monter, démesurément. Il s’était réfugié dans les hauteurs, ou du moins là où il le pouvait, et il se souvenait d’avoir croisé des Ombres – d’autres qui étaient redevenus « eux-mêmes ». Et puis, il y avait eu la vague. Il ne pouvait s’en remémorer que la violence, cette impression écœurante qu’il aurait pu sentir tout à fait sa cage thoracique exploser sous la pression, et la débâcle de son corps, transi par la conscience que jamais il ne pourrait atteindre la surface d’une véritable mer nouvelle-née.
Elhil plissa légèrement les lèvres, les yeux fermés. Il essaya d’inspirer profondément, mais le choc fut pareil à une décharge d’électricité : il se retrouva en appui sur un coude, secoué d’une quinte de toux particulièrement violente. Il cracha le peu d’eau que ses poumons avaient absorbés. Une main pressée contre son estomac, il resta quelques instants à haleter, les larmes aux yeux. Puis sa respiration redevint normale, et il leva un regard effrayé autour de lui. Le paysage avait changé ; comme démonté, délavé, éclaboussé de couleurs tièdes et molles de pluie ravagée, remodelé dans son ensemble. Il y avait la mer – une vraie mer ? Et la plage de cailloux sur laquelle il s’était réveillé. Etait-ce encore Hollow Dream ?

Elhil se releva, sans vraiment mesurer l’extrême lenteur de ses gestes. Une fois debout, en équilibre décent, il releva la tête et demeura silencieux – comme foudroyé. Il scruta les ourlets de brumes qui recouvraient la vaste étendue d’eau, et la cime fantomatique des montagnes. Les doigts glacés de la peur se refermèrent autour sa gorge, tarissant son souffle.



Vincent.


Où était Vincent ?



Le visage pâle et fiévreux, il regarda encore autour de lui, comme dans l’espoir de voir émerger la silhouette monochromatique du Français. Mais le vide semblait narquois, et le silence des environs, particulièrement cruel. Elhil déglutit faiblement, incapable de respirer avec calme ; il fit quelques pas hésitant de côté. Ses pas ripaient sur les rochers humides, si bien qu’il manquât plusieurs fois de trébucher et de se tordre les chevilles. Il marcha un moment, hagard, et ne s’arrêta qu’au sommet d’une vague butte, où le vent se mit à hululer lugubrement à ses oreilles. Il ne songea même pas à fouiller scrupuleusement du regard les environs, trop exténué pour être encore prudent. Il passa une main dans ses cheveux humides, qui bouclaient désordonnément sur ses épaules, tentant de chasser les fins rets froids qui s’ébrouaient devant son regard.

Absurde ; tout cela n’était plus qu’absurde. Elhil contempla encore longuement les flots calmes du lac qui se moussaient d’un peu d’écume sur ses rives, puis il s’assit lentement. Il remonta ses jambes contre lui, enlaçant ses genoux et laissant son menton reposer sur ses mains. Il venait de s’en rendre compte : il n’avait nulle part où aller. Et cette vague, avait-elle emportée tout le monde ?
La jeune Ombre cilla, serra la mâchoire pour contenir un gémissement. Chaque goutte d’eau sur lui lui faisait mal ; elle la striait de plaies invisibles, mettait à vif des souvenirs qu’il aurait préféré abandonner au fond de cette vague meurtrière. Elhil calla nerveusement sa tempe contre son bras, observant toujours la ligne trouble de l’horizon. Mais les ongles de sa mémoire restèrent plantés contre lui, épelant le ciel morne en rêveries d’Ombre. Vincent. Où était-il ? Et les autres, étaient-ils vivants ? Le vent soufflait toujours, agitait des mèches blondes emmêlées sur sa nuque – tandis que ses yeux pers se plissaient, se voilaient, puis cessaient de voir. Et pourquoi était-il vivant, lui ? Quelle noirceur. Il avait longtemps souhaité mourir, au cours de sa non-vie d’Ombre ; aimer Vincent n’avait pas totalement écarté les malsaines séductions de la mort. Maintenant qu’il émergeait à nouveau de ce qu’il avait sincèrement pensé être sa fin, il goûtait une nouvelle fois au dégoût. L’amertume d’être encore là. Sans raison valable. Alors que d’autres étaient certainement morts.
Quelqu’un lui avait dit que rien n’arrivait pas hasard dans cette vallée. Sans doute était-ce vrai ; après tout, les saisons s’étaient bien déréglées depuis que les humains avaient tentés d’ouvrir une « porte » vers la sortie, non ? N’avaient-ils donc pas tous assez payé pour cette démesure ? Elhil se recroquevilla un peu plus sur lui-même. L’eau paraissait accueillante ; ses reflets crépitaient muettement sur la surface gondolée de remous, fraîche, limpide. Si limpide, d’ailleurs, qu’en s’approchant de la rive, il verrait peut-être les dépouilles enflées d’eau de ses anciens compagnons d’infortune errer sous la surface pour le reste de leur éternité.

Elhil ferma craintivement les yeux, et son visage disparut sous le barrage de ses bras. Il murmura sans voix le nom de Vincent, et se tut. Et il resta là, un long moment, immobile naufragé qui ne savait plus tenir debout. Puis il songea enfin à se relever, et longea la plage à pas lents, sans empressement. Ce n’était pas qu’il s’était découvert un objectif précis : il voulait seulement s’éloigner de cette eau, qui lui faisait peur autant qu’elle l’attirait.
Longtemps après - peut-être au bout d'une heure, lorsqu'il ressentit des élancement dans ses jambes, il consentit à regarder autour de lui. Il se trouvait dans une forêt. Il n'avait pas vraiment remarqué qu'il avait quitté la plage...mais c'était peut-être mieux ainsi, après tout. Il continua à marcher un peu sous le couvert noir des conifères, les bras ballants et la tête rêveusement inclinée, sans se préoccuper des éventuels mais très probables dangers tapis dans les ombres de cette nouvelle vallée.
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MessageSujet: Re: Halfway home   Halfway home EmptyDim 26 Juil - 2:48

Rose inspira, longuement. Avec le soin et la douceur qu’on attribue aux choses précieuses.

L’Ombre était seule. En soi, ça n’avait rien d’étonnant. La constatation plongea Rose dans une profonde perplexité. Se retournant avec peine sur le dos, elle croisa le regard vide du ciel lugubre d’Hollow Dream. Etrangement, elle était…trempée. Et…rien ne ressemblait à…Oh. La vague et…

Ses doigts s’abîmèrent dans du sable. Un ancien souvenir invoqua l’image d’une plage ensoleillée ; l’eau chatoyante s’évapora aussi vite qu’elle était apparue, tandis que les pâles doigts gantés se resserraient nerveusement sur une poignée sableuse grisâtre. Quelque chose s’engrangea dans l’esprit de la pianiste, qui n’entendait de toute évidence pas les gémissements plaintifs qui s’échappaient de ses lèvres sèches. Se retournant en position fœtale, Rose n’avait que la force de sangloter, les vagues léchant âprement ses chevilles, les bras croisés autour de son torse.
Ainsi lovée sur un banc de sable, pleurant dans le refuge sombre de ses bras, l’ombre perdait la conscience du temps et de l’espace. N’existait plus que la pression obscure qu’elle apposait elle-même sur ses paupières closes, et l’humidité sur son corps qui peu à peu se séchait, et le froid. Le vide, aussi, au creux de son ventre. Elle avait faim, mais il lui semblait que toute motivation de s’évader de ce carcan protecteur et aveugle avait disparu, tari aussi vite qu’une flasque dans le désert.

C’est bien des heures plus tard que la pianiste recouvra quelques forces – tandis que d’autres, au loin, se disputaient sur des tronçons d’ilots. Elle se redressa, hésitante, observa la plage cendreuse et lisse – un endroit parfait pour accoster. Une plage de monstres, de pirates et d’ombres. La conteuse leva le menton, apercevant au loin la lisière d’un bois de conifères. Des arbres qu’au Mexique elle ne voyait que très peu – mais qu’en Angleterre elle avait eu le temps d’apprendre à connaître.

Rose faisait partie de cette catégorie de personnes qu’on surnomme ‘les mauvaises herbes.’ Des increvables, des survivants, en somme. Etre vivante après un choc d’une telle ampleur ne l’étonnait qu’à peine. Elle ne se posait d’ailleurs pas vraiment de questions. Elle était toute entière dévouée à un besoin pressant de survie immédiate et de pragmatisme. Et voilà ce que disait son sens pratique : cette forêt était obscure, idéale pour s’y terrer. Donc elle pouvait abriter n’importe quoi – ou qui. Ça ne l’effrayait pas. Au contraire, ça la rassurait. Ça voulait dire qu’elle aurait plus de chance d’y trouver ce dont elle aurait besoin. Elle pressentait que s’exposer sur une plage aussi accueillante était à peu près une toute aussi mauvaise idée que de se jeter dans l’étendue d’eau.

Rose ne convoqua pas de pensées où se perdre, de souvenirs à chérir. La pianiste de bar était physiquement faible, et seule sa volonté lui permettait de placer un pied devant l’autre. Elle pensait devoir économiser ses forces – la vérité étant, qu’elle n’en avait plus aucune. Peut-être était-ce à cause du choc, de la perte des textes et des chants qu’elle avait réuni en tant d’années difficiles, ou d’un fragment d’humanité qui lui rappelait la faiblesse dont elle tirait son inspiration, mais l’effet était là : Rose se sentait ô combien plus fiévreuse que d’ordinaire.

Des heures durant, elle avança entre les épines et les troncs massifs, guère plus qu’une silhouette en noir et blanc dans un monde tout aussi peu chaleureux. Enfin, arrivée au terme de toute sa volonté, Rose s’écroula mollement le long d’un tronc, ignorant les épines qui cherchaient leurs chemins le long de ses bottes et s’accrochaient à sa chemise. La transpiration se mêlait à l’humidité, elle toussa violemment pour calmer sa gorge irritée. Se reposer était dangereux ? Continuer à avancer dans cet état l’était tout autant.

Que…

Elhil passa au coin de sa vision. Son cœur manqua un battement lorsqu’elle en reconnut la belle silhouette d’ivoire. Rose ne prit pas le temps de s’en étonner ou d’écouter ses sens musicaux à l’affût, qui s’étaient toujours plus ou moins mis en éveil face à cette Ombre-ci. Elle posa la main sur le tronc, s’aidant de cet appui pour se relever ; pleurait-elle de fatigue, ou bien de soulagement ? Elle n’aurait su le dire.

Sa voix rocailleuse et mélodieuse s’éleva, guère plus qu’un murmure interrompu par une quinte de toux :
" Elhil … ! » appela Rose. « Elhil, je…je suis là… »

Ses jambes se dérobèrent et elle glissa à nouveau le long du tronc, se demandant si l’androgyne l’avait au moins entendu ; l’air rêveur et inconscient qu’il affichait sur son visage, ses pas presque automatiques témoignaient assez bien de l’état d’esprit d’Elhil.
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Elhil
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MessageSujet: Re: Halfway home   Halfway home EmptyMer 29 Juil - 19:44

Il faisait sombre. Noir comme au beau milieu de la nuit. Elhil avançait, pourtant – sans conviction, sans but ni réelle envie de progresser. Voir la vallée changer ne lui inspirait qu’un dégoût viscéral, et une peur toute aussi grande. Peut-être parce que ce décor sonnait creux : trop de ses éléments avaient disparus. Et il ne parlait pas que des créatures et des humains engloutis par la vague.

Les yeux d’Elhil s’écarquillèrent soudainement, et le voile d’absence se déchira sous la lame d’un effroi soudain. Un éclat réapparut dans son regard, mais juste le temps de se transformer en unique larme terrifiée. La jeune ombre s’immobilisa, et porta avec lenteur ses mains à ses poches, incapable de réprimer le tremblement sec et violent qui tourmentait ses doigts. Le tissu était bien lisse et humide lorsqu’il l’effleura.

Il avait perdu la montre.

Elhil resta figé longtemps, comme heurté de l’intérieur par la foudre. Ses yeux pers demeurèrent figés, chevillés aux mains trop fines crispées sur son vêtement, à chercher où se logeait la supercherie, à tenter de se rendre compte avec soulagement que non, il ne l’avait pas perdue, qu’elle était juste...
Mais elle n’était nulle part, elle était égarée…la montre.

Il laissa ses mains retomber le long de son corps. Ses cheveux humides pesaient lourdement sur sa nuque fléchie ; il glissa une main pour les repousser au creux de son épaule, mais ses doigts se figèrent alors, et se refermèrent brutalement sur les boucles désordonnées. L’autre main suivit le même mouvement, et une longue minute s’écoula, Elhil tenant ses poings pressés contre ses tempes, la tête baissée, et ses lèvres murmurant des phrases rapides et désespérées, et ses yeux se fermant avec force pour ne pas pleurer davantage. Il l’avait perdue ; et cela lui rappelait qu’il était resté seul trop longtemps, et que sa voix était complètement éraillée à force de ne plus lui servir. Et lorsqu’il se demanda avec une stupeur hébétée ce qu’il dirait à Vincent à ce sujet, il faillit en rire. Oh non, la perte de la montre serait de toute façon secondaire : n’oublie pas que tu étais à deux doigts de le tuer, pauvre imbécile. Et que tu n’auras peut-être jamais l’occasion de te faire pardonner.


Vide intérieur. Comme une charge trop lourde qui s’effondre sur elle-même. Un trou noir.


Ses paupières se détendirent, languissant presque paisiblement sur ses iris délavées – des yeux pâles et humides comme ceux d’un noyé. Elhil se remit subitement en marche. Ses pas étaient plus rapides, plus légers sur le sol couvert d’épines molles et sombres ; et il ne regardait pas où il allait. Il descendait une pente douce, les coudes légèrement levés, les cheveux comme des fibres fantômes dans son dos. Tout ce dont il avait envie, c’était d’avancer jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. « Fuite en avant », c’est comme ça que l’on dit ? Eh bien, il fuyait en avant. Jusqu’à ce qu’il trouve le courage de s’arrêter.

Elhil.

L’Ombre s’immobilisa. Sa silhouette blanche, perdue dans le décor tout en lignes noires et poissées d’humidité, sembla frissonner. Il tourna la tête de côté, presque craintivement. Il avait cru entendre une voix, sans en être sûr. Il n’avait plus peur de devenir fou – il l’était déjà un peu, depuis très longtemps. Mais cette voix n’était pas celle du Corbeau. Elhil tourna lentement le dos. Lorsqu’il aperçut la forme humaine blottie au pied de l’arbre, son souffle s’éteignit dans sa poitrine, et il ouvrit de grands yeux étonnés. Cette femme…

« Rose… »

En l’espace d’un soupir, il se retrouvait devant l’Ombre. Ses genoux touchèrent le sol presque sans bruit, tandis que quelques mèches incolores retombaient avec une lenteur surnaturelle sur ses épaules. Il cilla faiblement, mais parvint à accrocher un sourire au coin de ses lèvres – peut-être pour la rassurer. Elle pleurait.
Elle était là depuis longtemps, Rose – il ne savait pas depuis combien de temps, ce n’était jamais une question que l’on se posait. On devinait, on imaginait. Elle était là depuis longtemps, la Rose, à promener ses doigts dans le vide, sur un piano absent. Dans le manoir, c’était toujours là qu’il l’avait vue – quand il était arrivé la première fois, elle était déjà là…Mais recroquevillée sous un arbre sinistre, à sangloter – ce n’était pas sa place.
La jeune Ombre étendit une main hésitante, et caressa avec prudence les boucles ébènes de la pianiste. Il aurait souhaité lui demander si elle allait bien, et peut-être lui demander si elle avait croisé d’autres ombres. Elhil resta agenouillé devant elle, le regard vague. Il finit par relever un peu la tête, avec un sourire vacillant aux lèvres :

« Je suis content de te revoir. »


C’était tout ce qu’il se sentait capable de dire.
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Rose
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MessageSujet: Re: Halfway home   Halfway home EmptyMar 4 Aoû - 22:54

Rose ferma les yeux, se laissa aller contre le tronc de l’arbre.

« Moi aussi, Elhil. » murmura-t-elle doucement. Ses paupières se relevèrent sur deux prunelles obsidiennes – vides, et brûlantes, qui s’accrochaient à peine aux détails. Trop fatiguées pour prendre en compte et observer, distinguant l’ivoirine stature du jeune homme, sa pâleur élégante, aux touches irréelles. Il était toujours vivant, Elhil, avec ces accents hindis. Autour, les branches sinueuses, tortueuses, malsaines. Rien de grave, rien qui ne bougeait, rien de menaçant. « Très contente. »

Il y en avait d’autres. Si eux avaient survécu, il y en aurait d’autre. C’était ce que semblait porter le silence. Beaucoup de choses se révèlent au silence, lorsqu’on en fait partie. Les pensées inavouées, restées en suspens, les mensonges qui se trahissaient dans une pause, un soupir. Puis il y aurait la chasse, la guerre, la faim, le gris, les écrits, on recommencerait. On bâtirait sur la poussière, avec nos mains, la boue, les rêves. T’y crois, ça ? L’ironie. Ah, l’ironie de la chose.

Mais l’Ombre était désespoir, elle n’avait pas la foi nécessaire pour supporter son corps et se donner un but. Elle ne croyait pas. Il y en aurait d’autres. Pour le moment, il y avait le garçon, l’androgyne, tellement plus précieux. L’infidèle n’avait pas de futur, aussi était-elle complète dans le présent. Il y avait l’indien. Oui, elle était contente de le revoir. Avec la pluie…on ne savait pas…la pluie.

Elle cilla puis se renfonça de nouveau contre l’écorce. La pianiste humecta ses lèvres sèches, ne fit aucun geste pour chasser la main inopportune du jeune homme dans sa chevelure. Il jouait avec ses boucles, mais l’eau l’avait pourtant doté d’une belle ondulation capillaire. Des boucles d’argent. Comme apaisée par la présence fortuite du jeune homme, les larmes de Rose semblaient se tarir, mourir sur ses hautes pommettes, coulaient sur des cernes profondes. Le trouble qu’elle ressentait se calmait, petit à petit. Elle n’avait pas besoin de le regarder pour savoir qu’il était toujours là, agenouillé, portant sur l’albâtre de ses traits une forme étrange d’indécision, de délicatesse. Une expression absente, perdue dans la vague. L’aurait-elle mal distingué à travers les troncs et les branches épaisses, n’aurait-elle pas appelé son nom, le spectre de l’indien ne se serait pas arrêté. Rose n’attendait pas les mots pour comprendre et compatir. Compatir dans le sens de ‘ressentir avec.’

Elle ramena une main gantée à ses yeux pour essuyer du poignet le reste de ses larmes. Elle ne ressentait aucune honte. Rose n’avait jamais méprisé la sensibilité et les pleurs, jamais non plus la peur et la faiblesse. Pleurer, ça fait du bien. Mais boire, aussi, rajouta-t-elle intérieurement, d’une pensée qui lui paraissait bien amère.

« Si je me repose un peu…tu resteras là ? On inverserait, ensuite… »

Ce que le silence disait par ensuite, c’était : ‘on pourrait peut-être trouver quelqu’un. Peut-être pas. Cet endroit a l’air désolé…’

Elle eut envie de sourire en songeant qu’elle venait d’adresser là plus de mots qu’elle ne l’avait fait depuis un moment à quiconque. Ses habitudes se résumaient en général à fixer un mur et perturber des mortels. Elle s’adaptait vite, néanmoins, aussi sentait-elle l’étrange partie d’elle désignée à gérer sa survie entièrement au travail. Elle passa la main dans ses cheveux pour dégager son visage pâle de l’humidité de sa chevelure, caressa du bout du doigt la main de l’indien qui s’y trouvait, puis reposa ses bras sur ses genoux qu’elle ramena contre son torse, renfoncée à nouveau dans son silence et dans le bien-être du vide.
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