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 | | Sujet: Mue sylvestre Jeu 17 Jan - 19:59 | |
| Je suis une petite goutte d’eau Une minuscule gouttelette crachée des cieux de l’amas maternel, séparée de ses frères, l’être unique déchiré, abandonné seul pour une longue descente aux enfers.
La solitude, la déchéance, la chute et le fracas sur une terre étrangère. Une larme versée, échouée sur le théâtre du drame humain.
Humain ? Non pas humain.
Il y avait bien plus ici que de simples être humains. Ca, elle le savait. Depuis combien de temps trainait-elle sa carcasse dans ce dédale grisâtre. Le temps n’avait plus cour ici. Pour elle, une éternité s’était passé ou peut être même juste quelques jours.
L’Aube lui semblait crépuscule et le Crépuscule aube.
Elle les avait déjà vu, ces cadavres ambulant qui trainaient, inscrit dans leur chaire, la marque de leurs pêchés. Elle savait les éviter cette progéniture satanique, elle avait appris.
Ils étaient maudits ces mangeurs de chaire humaine, suintant le sang par tous les pores ; ces aberrations aux visages rougis, la damnation déformait leurs corps.
Maudits aussi ces silhouettes fantomatiques qui erraient en quête d’âmes en peine, ces dévoreurs de rêve. Leurs sévices étaient encore plus effrayantes.
La part de lucidité qu’elle avait réussit à conserver pendant ces trois années condamnée dans ce décor fantomatique lui avait fait comprendre qu’elle avait déjà un pied dans la folie. Nullement étonnée, paradoxalement elle était consciente que sa survie bien futile l’avait transformé en sauvageonne.
*Silence, ce n’est pas convenable *Et si sa mère la voyait dans cet état…
Oh non ça n’arriverait pas, elle se cacherait comme un rat, un gros rat dégoutant. *Non, une petite souris c’est bien plus jolie.*Une sourie blanche, toute blanche comme ses cheveux.
Comme sa mère les détestait ces rideaux laiteux.
Accroupie, recroquevillé devant l’Arbre-Roi elle étouffa un petit rire aigue avant d’enfouir son visage dans ses bras. Elle parlait encore comme une folle.
L’Arbre-Roi l’avait appelé à son réveil.
Un réveil étrange et douloureux. Comme une fleur fanée, elle avait l’impression d’avoir renaît sous la pluie. Une pluie froide et agressive, une pluie qui lui semblait déplacée, une averse de larmes qui l’avait tiré d’un étrange rêve.
Un rêve où tout dansait autour d’elle sur une mélodie lascive. Les notes s’entrechoquaient dans son délire et des ombres fugaces lui chantaient une berceuse. Et il y avait cette femme, monstrueusement grande qui peignait son visage neigeux de carmin, cette poupée japonaise toute en kimono qui lui adressait un sourire malicieux. Grossière dame, trop familière vraiment, trop échevelée aussi.
Et elle s’était réveillé le corps tout engourdi, étonnée d’avoir dormis à même le sol dans cette affreuse église. *Chut, la maison de Dieu n’est que beauté*Cette église qui la fixait de bas en haut, la réprimandant pour son apparence de sauvageonne. Il fallait peigner ces cheveux laids et sales d’un blanc virginale qu’elle ne méritait pas.
Sa mémoire chancelante ne lui offrit aucunes réponses sur le pourquoi de sa présence en ce lieu saint. Peut être était-elle venue prier pour expier les fautes qui l’avait mené ici ?
Et pourquoi portait-elle le joli kimono de la dame ? Cette dame n’appartenait qu’à ses songes mais fantasmes et réalités se mêlaient encore.
Le crépuscule était Aube.
Pourquoi portait-elle un kimono ? Elle n’en avait pas ici en plus celui-ci était tous tâchés … de vermeil.
Et puis un râle plaintif l’avait sortie de sa torpeur et tournant la tête elle en aperçue la source. Ses yeux vomirent l’image d’un amas de chaire lacérée étalée sur le sol souillé de la maison sacré. Un reste d’homme dont certaines parties du corps n’étaient même plus à la bonne place. Un être mutilé qui soulevait toujours son poitrail sanglant pour émettre un son de flûte éraillé.
Il n’appartenait pas au décor … ou peut être était-ce elle qui n’avait pas sa place ici ?
L’être de sang et de chaire mâchée avait en un vain effort tendue la main jusqu’à frôler sa jambe. Il était si proche.
Une explosion de notes hautes et aigues avaient jaillis de sa bouche, elle qui était si discrète.
Mais la main de l’homme ne la lâchait pas. Tant de force dans un corps de mort vivant.
*Vilaine fille, elle avait était très vilaine*Elle avait saisit la première chose qui s’offrait à elle, une pierre qui n’avait sans doute rien à faire dans une église. Une grosse pierre qui lui avait parue très lourde. Et elle l’avait abattu avec une force qu’elle ne se connaissait pas sur le visage découpé de l’homme. Non pas une fois, il était tenace, peut être quatre voir cinq … elle n’avait pas comptait.
Puis la nausée s’était chargée de l’arrêter et elle avait vomit grossièrement sur le cadavre sanguinolent qui gisait à ses pieds. " Ca a été une mauvaise journée kokuouheika " Murmura-t-elle d’une voix éraillée. Elle s’était réfugiée chez l’Arbre-Roi car il l’avait appelé. Elle avait entendue, dans sa fuite effrénée vers un ailleurs, sa mélodie distincte. Tant de notes et d’harmonie, une partition subjuguante mais pourtant si compliqué à retranscrire. Arriverait-elle à la jouer avec un violon ? Sûrement pas. Et puis d’ailleurs elle avait perdue sa flûte … peut être que la dame la lui avait volé en échange du Kimono ? Arrivée au pied de l’arbre, elle avait eu l’impression que plus d’un siècle s’était écoulée … si seulement elle savait à quel point elle était proche de la vérité. Au moins ici cette pluie audacieuse et virulente ne viendrait pas la titiller. |
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