Hollow Dream
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 [Cimetière] Charmante matinée

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Vincent
Chef des Ombres - Idole martyrisée
Vincent


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MessageSujet: [Cimetière] Charmante matinée   [Cimetière] Charmante matinée EmptyVen 18 Jan - 2:05

[Réservé à Sélène Wink]



Incompréhension. Froid.

Les deux seules pensées cohérentes qui subsistaient dans un esprit au ralenti, encore plus engourdi que le corps qui l'abritait. Je ne comprends pas. J'ai froid.

Il s'était recroquevillé dans un coin sec du caveau, frissonnant d'un début de fièvre. Au début, il avait encore un peu chaud aux pieds, grâce à ces épaisses bottes qui lui venaient d'il ne savait où. Maintenant, ses orteils étaient aussi glacés que le reste, mal abrité sous le tissu trempé d'un simple costume d'homme d'affaire. Il s'était réveillé ainsi, en bras de chemise, avec une cravate mais sans manteau ni anorak. Un gant de cuir, artisanal mais réalisé avec soin, couvrait sa main et son avant-bras droit sans aucune raison apparente. Il pleuvait. Il avait froid, mal à la tête. Il était dans la forêt. Et la nuit tombait.

Il avait ôté le gant et avait titubé entre les arbres, trop conscient que la Vallée avait changée, trop conscient surtout que si le "soleil" s'enfuyait alors qu'il était encore dans les bois, il mourrait dans les prochaines heures sous les crocs d'une quelconque créature. Il lui fallait rejoindre le village. Les autres. Mais il était déjà fatigué au réveil, et le temps de trouver la lisière de la forêt il était tout simplement épuisé - son champ de vision était envahi de petites tâches noires et ses jambes tremblantes se dérobaient sous son poids. Il était près du cimetière. Trop abruti et désespéré pour se rendre compte de ce qu'il faisait, il tituba jusqu'à l'un des caveaux, en repoussa la lourde porte. Le petit monument sentait la poussière et la moisissure - ce n'était pas normal, non pas normal, rien n'aurait dû pourrir ici, rien n'aurait dû être exposé à la pluie. Il s'était glissé derrière le cercueil, s'était recroquevillé sur le sol sablonneux et s'était endormi d'un sommeil peuplé de cauchemars informes.

A présent il était à nouveau éveillé, et il ne comprenait toujours pas. Ses souvenirs lui revenaient par bribes, contacts parfois éthérés comme des voiles de soie, parfois aussi brutaux que le radiateur d'un poids lourd. Il avait courru. A cause d'Emilie, bien sur, Emilie qui avait été réduite en bouillie par ces affreuses Chimères. Il avait courru, il était tombé. Il avait pleuré. Et décidé d'en finir. Puis il s'était réveillé sous l'averse.

Vincent Korbaz entrouvrit les paupières, et le caveaux vaguement illuminé par les orifices d'aération lui parut un décor trouble et terne. Il avait cru mourir, aussi sûrement que s'il avait placé un pistolet dans sa bouche, appuyé sur la détente et perçut la détonation. Mais alors, pourquoi était-il encore humain? Car la question ne se posait pas, il n'était pas plus une créature qu'Emilie ne l'avait été. Il avait renoncé. pourtant il vivait. Etait-ce un espoir, où une terrible catastrophe qu'il ne parvenait pas encore à envisager? Et puis, que lui était-il donc arrivé pendant qu'il dormait, qui l'avait habillé ainsi, combien de temps avait-il fallu à la vallée pour faire pousser des fleurs à travers son tapis de feuilles mortes?

Trop de questions. Je ne comprends pas.

Nauséeux et endolori, l'anesthésiste s'obligea pourtant à se relever. Le jour (ou ce qui en tenait lieu dans cet enfer) ne durerait pas éternellement, et il ne pouvait pas se permettre de passer une nuit supplémentaire dans une tombe, avec cette chemise gluante de pluie sur le dos. En six mois de coma, il avait eu le temps de constater que ses semblables pouvaient aussi mourir de pneumonie, à Hollow Dream.

Tu en ouvrant la crypte, il s'efforçait de rassembler ses pensées, de contrôler le profond malaise qui le prenait à la gorge et qu'il pensait devoir à un début d'infection. La communauté humaine la plus proche devait être celle de la bibliothèque. Ou alors celle du grand bâtiment de la rue principale, il ne savait plus trop. Le théâtre et le vieux manoir étaient trop loin.

Vincent se redressa hors de la tombe, fit un pathétique et peu efficace effort pour s'étirer. Et il vit. Une boule se forma dans sa gorge, et un regain de sueur froide perla à ses tempes. Une partie d'Hollow Dream n'était plus que ruines calcinées. Mais ce qui l'horrifiait au point de le paralyser là, complètement exposé sur cette petite colline, c'était que ces décombres paraissaient vieux de plusieurs semaines.

De plusieurs mois.


*Mais combien de temps est-ce que j'ai...?*
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Selene
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MessageSujet: Re: [Cimetière] Charmante matinée   [Cimetière] Charmante matinée EmptyVen 18 Jan - 3:50

Que la nuit vienne enfin et l'emporte avec elle ! Que ses lourdes ténèbres s'abattent sur elle et l'enveloppent au point même de l'étouffer ! Que les pénombres éternelles deviennent pour elle un ultime refuge où elle se perdrait à jamais ! Que serait donc une éternité d'errance au milieu de ces noires et envoûtantes limbes en comparaison d'une existance maudite sur ces terres qu'elle ne reconnaissait même plus ? Et puis, si l'on y réfléchissait bien... Pouvait on seulement qualifier de Vie cette espèce de flottement dans lequel se débattait la jeune femme depuis si longtemps ? Cesser d'espérer si vainement... Cesser de caresser ainsi une douce rêverie qui la verrait s'éveiller un beau matin et retrouver enfin ce monde et cette réalité dont elle avait été si brutalement et si injustement exclue... Juste cesser d'être...

Telles avaient été les dernières pensées, tourbillonantes et enivrantes, qui avaient agité l'esprit confus de cette jeune femme avant que, les membres tout endoloris et assommée de fatigue, ses paupières ne se ferment la propulsant ainsi dans un univers peuplé d'images indistinctes et cauchemardesques. Pour elle point de salut ni de refuge dans le sommeil. Rien de plus qu'un gouffre effroyable qui tentait de l'aspirer encore et toujours plus profondément dans des abysses dont, instinctivement, la jeune femme savait qu'elle ne ressortirait pas indemne. Elle luttait, la frêle créature, s'agitant dans son sommeil, repoussant ces ennemis fantômatiques qui venaient la hanter dans ses songes et qui tentaient de l'étreindre. Elle frissonnait devant ces visages dont elle peinait à distinguer les traits et elle refusait d'écouter ces paroles qui lui étaient sussurées mais dans une langue qui lui parraissait étrangère et dont elle ne comprenait pas le sens. Les images, les sons et les odeurs ne cessaient d'affluer et tout cela se mêlait dans son esprit en un magma violent et rougeoyant contre laquelle la femme luttait pour ne pas se laisser submerger. Mais chaque nouvelle vague était une déferlante encore plus forte et plus déchaînée que jamais et, malgré tous ses efforts pour s'y soustraire, elle n'avait d'autre choix que de subir encore et encore cette torture.

Visions sanguinolantes et terrifiantes où la jeune femme voyait, comme perdue dans une brume épaisse, une silhouette si étrangement semblable à la sienne et qui se livrait à des exactions qui l'emplissaient d'effroi. Le sang... Le sang coulait et c'est cette femme, cette jumelle qui possédait ses traits et ses courbes délicates, qui le faisait couler. Non ! Cela ne se pouvait ! Ce sourire qu'elle voyait distinctement... Cette étincelle de folie meurtrière qui luisait au fond de ces prunelles si semblables aux siennes... Cette créature, cette chose, se réjouissait de semer ainsi le chaos et la mort ! Elle n'était pas ainsi ! Non ! Jamais elle n'aurait ôté la Vie, ni même blessé, qui que ce soit à moins d'y avoir été contrainte. Se défendre, oui, mais tuer et en éprouver de la joie et même une jouissance certaine... Non ! Cela n'était pas elle ! Et cela ne le serait jamais ! Elle était humaine et comptait bien le rester... Elle voulait vivre et s'éveiller... Elle voulait encore espérer... Ne l'avait elle pas promis au Chef des Ombres ? Ne l'avait elle pas promis à cet homme qui aurait dû être son plus terrible ennemi mais qui s'était bien vite révélé être l'un de ses plus grands alliés dans cette Vallée ? Ne l'avait elle pas promis à Vincent ?

Alors que son esprit divaguant lui laissait apparaitre le visage de son ami, un semblant de sérénité gagna ce petit corps endormi sur le sol si froid et dur de cette vieille église. Un voile aérien de plénitude vint même se poser délicatement sur ce visage aux expressions encore candides d'une jeune femme à peine sortie de l'enfance. La respiration de la belle se fit plus douce et plus calme tandis que sur ses lèvres vermeilles venait flotter un bien tendre sourire. Le visage rassurant et chéri de Vincent Korbaz apaisa un instant les craintes et les souffrances de l'artiste peintre mais ce répit ne fut que de brève durée. Déjà les traits commençèrent à s'estomper et Vincent sembla happé lui aussi par cet océan de ténèbres qui enveloppait à présent la demoiselle. Celle ci gémit et s'agita de nouveau et une faible plainte s'échappa de sa bouche entrouverte. Puis, comme pour tenter de se protéger contre un ennemi invisible, le corps mince se recroquevilla subitement et une larme cristalline se mit à perler de ces yeux clos. Les visions revenaient à l'assaut et elles se faisaient de plus en plus pressantes et oppressantes, de plus en plus violentes aussi. Les formes et les couleurs se succèdaient à une cadence telle que la jeune femme ne parvenait plus à les distinguer les unes des autres. Des visages et des voix d'hommes qu'elle ne reconnaissait pas... Des lieux qui lui semblaient bien familiers alors qu'elle était certaine de ne jamais y avoir mis les pieds ! Et ces cris d'être agonisants qui ne cessaient de s'élever et de résonner dans sa tête !

* Pitié ! Faites que cela cesse ! Pitié ! Que ce cauchemard s'estompe ! *

Ces mots, elle avait l'impression de s'époumonner en les hurlant mais ils n'étaient en fait que doux et ténus murmures lorsqu'ils franchissaient la barrière de ses lèvres. Selene se débattait avec ces cauchemards qui lui montraient une réalité qui avait été la sienne pendant plus d'une décennie mais que la pluie avait fait disparaître de son esprit presque aussi surement qu'elle avait chassé les nives des terres de la Vallée. Selene avait oublié et son esprit, son corps, et son être tout entier semblaient lutter farouchement pour l'aider à se remémorer ce qu'elle était devenue mais qu'elle persistait à nier. La jeune peintre refusait ce sombre passé qu'elle s'était construit ces quatorze années. Tant d'années où toute trace d'humanité avait, peu à peu, fini par s'estomper en elle au point de finalement disparaître. Elle était devenue une guerrière et une prédatrice cruelle et aguerrie qui prenait un plaisir non dissimulé à traquer ses proies avant de les mettre à mort de la pire des façons. Elle qui avait, de son vivant, glorifié et magnifié la vie sous toutes ses formes était devenue dans le trépas, un redoutable et appliqué émissaire de la Grande Faucheuse ! Elle avait tué, non pour se défendre ou protéger ses frères et soeurs Ombres, non... Elle avait tué par goût et même par passion. Comme si cette activité, qu'elle avait fini par considérer comme un sport ou un divertissement, était devenue à ses yeux la seule façon de se sentir encore exister. Cet espoir auquel, pauvre et inconsciente endormie, elle voulait si désespérément se raccrocher, cela faisait bien longtemps qu'elle y avait renoncé ! Selene avait volontairement cessé d'exister. Par amour, elle s'était donné la Mort et avait ainsi scellé son funeste et macabre destin. Et cet homme, ce Vincent Korbaz, qui comble de l'ironie, lui redonnait aujourd'hui espoir était le même pour qui, plus d'une décennie auparavant, elle s'était donné la mort. Celui pour lequel elle s'était damnée !

Mais, de tout cela et de tout ce qui en avait découlé, Selene ne gardait pas le moindre souvenir. La pluie et le Printemps étaient arrivés sur cette maléfique Vallée et avec eux les souvenirs s'étaient envolés. Peut être ressurgiraient ils un jour autrement qu'au travers de rêves et de cauchemards ? Peut être bien Selene finirait elle par un jour recouvrir la mémoire... Mais pour l'instant un tel moment était encore loin, très loin même ! Aujourd'hui, et dans l'intimité de cette église, Selene était redevenue humaine et cette illusion la berçait doucement. Et sa volonté de fer suffisait, mais pour encore combien de temps, à contrer les tentatives répétées et abruptes de son cerveau pour la ramener à la seule réalité qui était la sienne : Selene était une Ombre et elle le redeviendrait tôt ou tard ! Mais laissons la donc se leurrer et se perdre dans ces idées chimériques auxquelles elle tente si maladroitement de se raccrocher et voyons donc de quoi sera fait son avenir.

Dehors le vent souffle fort et les nuages s'accumulent déjà, promesses menaçantes d'une averse à venir. La Vallée à changée mais elle n'en est devenue que plus cruelle et hostile que jamais. Et déjà, en son sein, les dangers s'éveillent et grondent, prêts à fondre sur les créatures perdues et amnésiques qui émaillent ces abris de fortune disséminés içi et là. Ils sont nombreux ceux qui, comme la jeune peintre endormie, se sont éveillés dans un univers qu'ils ne reconnaissaient plus. L'ordre établi et paraissant si immuable a changé et rien ne sera jamais plus comme avant. Et cette délicate silhouette féminine qui s'extirpe enfin d'un léger et bien perturbé sommeil ne tardera certainement pas à s'en rendre compte elle aussi. Elle se relève la jeune femme, massant ses membres engourdis et douloureux, laissant ses orbes de jade errer, hagards, sur ces lieux qui ne la rassurent que trop peu. Un frisson lui parcourt l'échine tandis qu'elle remonte d'un pas hésitant l'allée centrale qui la mènera de la nef à la grande porte d'entrée. Selene s'éveille et soupire longuement. Les visions ont cessé, lui laissant un arrière goût bien amer dans la bouche, mais la réalité à laquelle elle se confronte maintenant semble tout aussi cauchemardesque ! A nouveau cette rage et ce si pénible sentiment d'incompréhension l'envahissent sans qu'elle ne parvienne à les endiguer. Selene à peur mais ce sentiment n'est rien comparé à cette colère sourde qu'elle sent vibrer en son coeur et en son âme. Ces émotions ne lui ressemblant pas elle lutte pour les chasser alors que ses mains fines se posent sur la lourde porte et l'ouvrent doucement.

Le vent vient sournoisement caresser, d'une bien cinglante manière, le beau minois de la jeune femme qui sent ses poumons se gonfler douloureusement. La tête lui tourne un peu et Selene se sent fièvreuse comme si elle couvait quelque chose ! Les derniers frimas lui auraient ils laissé un bien perfide cadeau avant de s'en aller et de s'enfuir si vite qu'elle n'en gardait plus le moindre souvenir ? Telle était la question que la belle se posait tandis qu'elle descendait, légèrement grelottante, la pente qui la mènerait jusqu'au cimetière. Les bras enserrant son buste menu, ses longues mèches brunes virevoltant autour d'elle, la silhouette grâcile avance. Elle erre l'ancienne petite Ombre, perdue dans ses pensées aussi surement qu'elle se sent perdue sur ces terres inhospitalières. Elle passe devant les décombres et les ruines qui jalonnent la colline, vestiges de bâtiments défunts et dévastés par les luttes opposant les différentes fratries de la Vallée. Ses yeux se figent par moments tandis qu'elle tente de se remémorer comment un pareil désastre à pu se produire. Elle essaye de se souvenir ... mais une fois de plus en vain. Rien ! Elle ne se souvient pas ! Horrible et bien désagréable sensation qu'une partie de son existence lui à échappée sans qu'elle ne puisse la retenir ! Dérangeante impression que cette nuit qu'elle avait passée dans la forêt avait certainement été bien plus longue qu'elle ne l'avait d'abord cru.

D'ailleurs, cet étrange humain croisé la veille, ce Samuel qu'elle ne se souvenait même pas avoir jamais croisé au village, ne lui avait il pas clairement fait sous entendre que les choses n'étaient peut être pas ce qu'elle semblait penser ? N'avait il pas aussi insinué qu'elle même n'était peut être pas ce qu'elle prétendait être ?

* Allons ! Cet homme n'était qu'un pauvre illuminé ! Il ne faut pas accorder la moindre foi à ses propos de dément ! * tentait elle de se convaincre.

Selene arrivait à présent à l'entrée du cimetière lorsque, subitement, elle se figea, interdite. Une silhouette masculine se dessinait devant elle. Une silhouette qu'elle aurait pu reconnaître entre milles ! Une silhouette qui n'aurait jamais dûe se trouver là et qui semblait, étrangement, aussi perdue qu'elle. Les lèvres de la jeune femme s'entrouvrirent et laissèrent échapper d'une vois haute et claire ce simple mot, ce simple prénom :


- " Vincent ? "
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Vincent
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MessageSujet: Re: [Cimetière] Charmante matinée   [Cimetière] Charmante matinée EmptyVen 18 Jan - 22:43

Oh non, trop c'était trop. A peine levé, l'anesthésiste dû se rasseoir pour ne pas bêtement tourner de l'oeil. Coeur qui s'affole, souffle qui s'accélère, maîtrise-toi un peu! Mais comment se dominer alors que l'inébranlable s'écroule et que l'inconcevable se produit?

Ces ruines, ces fichues ruines couvertes d'une mousse toxique, l'hypnotisaient littéralement.

Il s'était passé quelque chose entre la mort d'Emilie et son réveil sous la pluie, cela devenait odieusement évident. Pourtant, dans l'esprit de Vincent, il n'y avait que le néant sans mesure de l'amnésie, vision insupportable, obscurité trompeuse jalonnée de pièges, de secrets gluants, de jouissances atroces. Curieusement, stupidement, Vincent eu soudain envie de hurler, de se griffer le visage, céder à la folie et à l'hystérie de sa situation, parce que tout cela n'avait pas de sens, parce qu'il avait froid, qu'il avait faim, qu'il se sentait horrifié sans savoir pourquoi rien qu'à penser au mot "faim", et parce que Emilie était morte, son Emilie était morte...

Il se gifla. Une vraie claque, qui laissa une marque rouge sur sa joue pâle et l'espace d'une seconde lui donna véritablement l'air d'un fou, mais qui eut le mérite de lui éclaircir les idées. Vincent souffla longuement, et s'obligea à se relever.

Il fallait être calme et posé. Hollow Dream avait changé, d'accord. Beaucoup, et pas dans les minutes qui précédaient. En désespérant, avait-il changé de lieu, ou tout du moins d'époque? Est-ce que dans la vallée qu'il connaissait, un Vincent Ombre ou Chimère hantait à présent les bois, ou bien était-ce une anomalie? Le médecin, qui se pensait jeune, baissa les yeux sur sa propre personne. Jamais de toute sa vie il n'avait porté un costume trois pièces, même pas pour les galas de sa fac (les rares fois où il y était allé). C'était tout juste s'il savait faire un noeud de cravate. Pourtant... maintenant qu'il y réfléchissait calmement, et qu'il se rappelait les patients impotents qu'il avait vu se faire habiller à leur sortie de l'hôpital... eh bien, il était visible que seul lui-même avait pu se vêtir de manière aussi précise. Donc il n'était pas resté évanoui.

Et rien que d'y penser, il sentait revenir à la charge ce trouble qui le poursuivait depuis son réveil. Comme si son âme elle-même avait la nausée.

Vincent ferma les yeux et s'appliqua à réguler sa respiration. Dieu merci, s'il y avait bien une chose qu'il avait apprise à l'hôpital, c'était à se calmer vite et bien. Il ne comprenait rien. Soit. Pour l'instant, sa priorité était donc de trouver d'autres humains, de se changer, d'avaler quelque chose et de faire une bonne sieste dans un lit chaud. Ensuite il réfléchirait. Il demanderait aux autres ce qu'il s'était...

Une idée, affreuse chape de plomb, le glaça jusqu'à la moelle: et s'il n'y avait plus d'autre humain dans la vallée?...


"Vincent?"

L'anesthésiste fit un bond - un véritable bond, et ce système cardiaque qu'il avait eu tant de peine à calmer repartit au triple galop. Nom de Dieu! Qui donc pouvait être assez cinglé pour le héler de la sorte, alors qu'il était très occupé à effacer ce qu'il restait de sa santé mentale?!

Il baissa les yeux vers le bas de la colline, et le sentier qui quittait l'église. Une jeune femme. Humaine, visiblement. De grands yeux fixes, une ondoyante chevelure foncée. L'air malade et affaiblie, mais avec néanmoins une certaine force, une fougue qui ne lui était pas inconnue. Il avait déjà vu cette femme. Il sourit: de toute façon l'identité de l'inconnue n'avait aucune importance, tout ce qui importait était qu'il y avait au moins un autre être vivant dans cette vallée de dingue! L'Ombre qui s'ignorait entreprit de dévaler la pente aussi vite qu'il le pouvait sans déraper sous le sol boueux, trop heureux de pouvoir définitivement se rabattre sur des questions pratiques: il s'excuserait de ne pas se rappeler de son nom, lui demanderait où se trouvait la communauté la plus proche, ce qu'il s'était passé, pourquoi...

A cinq mètres de la jeune femme, Vincent pila, son sourire pâlit, se décomposa. Pendant un instant, son visage ne fut plus qu'un matériau composite, indistinct, aussi bordélique que ses pauvres pensées.

Puis l'heureuse surprise devint une affreuse, insondable tristesse, qui sembla poignarder son regard foncé. Il avait quitté un affreux cauchemar pour basculer dans une réalité encore plus affreuse.


"Que fais-tu ici, Selene?..."

Idiot, idiot qui pose la question alors qu'il connait déjà la réponse...
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MessageSujet: Re: [Cimetière] Charmante matinée   [Cimetière] Charmante matinée Empty

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