Un cauchemar infernal

Tout cela s’était passé si vite. Une minute avant, elle traversait la route, de façon assez inconsciente il fallait bien l’avouer, mais aux anges de ce rendez-vous improvisé et la minute suivante, je dirais même les quelques secondes suivantes, Calliope s’envolait dans les airs tel un oiseau improvisé avant de rejoindre durement le sol. Sa tête avait d’ailleurs fait un bruit étrange en cognant le bitume, le bruit d’un fruit qui éclate sur le sol avait pensé Calliope allongée par terre.
Tout avait été si flou ensuite, comme dans une sorte de rêve ou plutôt pour le coup une sorte de cauchemar. Des gens accoururent à ses côtés, gesticulant, hurlant après la voiture qui l’avait renversé. Une main fraiche vint se poser sur son visage mais Calliope la sentit à peine. Ses paupières étaient si lourdes, elle les ferma quelques instants, juste pour se reposer, quelques minutes. La douleur qui semblait s’être contenu jusqu’à cet instant explosa dans sa tête et dans tous ses membres. Elle gémit. Rouvrir ses paupières fut d’une difficulté immense. Un bloc de béton semblait s’être abattu sur elle, l’enveloppant d’une sorte de brume qui affectait tous ses sens. Un trou se fit dans la foule qui l’entourait. Au loin, elle aperçut alors Gabriel en compagnie du chauffeur qui l’avait renversé. Elle tenta de plisser les yeux pour mieux voir et eut l’impression qu’une enveloppe s’échangeait entre les deux comparses. Hallucinations d’un esprit blessé ou révélation ? Calliope n’eut pas le temps de véritablement s’interroger. La douleur semblait s’éloigner à présent comme le monde qui l’entourait.

*Je vais mourir* pensa t’elle, étendue sur le trottoir, *j’agonise déjà…*

Ce fut le noir.


*Je suis morte ça y est….Oula, on dirait qu’il y a quelque chose après la mort si je pense ainsi…Mince moi qui me suis dite athée toute ma vie…*
Calliope ouvrit ainsi les yeux sur un nouveau monde. A vrai dire, elle n’avait pas imaginé le paradis ainsi. Autour d’elle s’étendait une immense plateforme de pierre et au dessus d’elle, un ciel clair lui faisait face. La jeune femme se redressa.

« Je n’imaginais pas le paradis ainsi… »

Entendre sa propre voix lui donna une impression étrange. Elle baissa son regard, constatant qu’elle portait toujours les mêmes habits.

« Pas d’ange, pas de jardin, de lumière divine…je suis déçue… »

Calliope parlait à voix haute. A vrai dire, ce que ses paroles bravaches ne montraient pas, c’est que la jeune fille était terrorisée….voir même plus s’il existait un état au-delà de la terreur.

Elle se redressa complètement, s’apercevant au passage que ses blessures avaient disparues.

« Ou alors je suis en enfer…J’ai commis tant de péchés que cela ?! »

La jeune femme s’avança jusqu’au bord du plateau rocheux, juste au bord de la falaise, contemplant ainsi la vallée qui s’étendait à ses pieds.

« On se croirait tombé en plein milieu du roman de Robinson Crusoë… »

Un sentiment de découragement l’envahit, mêlé à sa peur. Elle était seule, au milieu de nulle part et n’avait aucune idée de ce qu’il fallait faire.
Pour la première fois depuis longtemps, Calliope eut une pensée pour ses parents. Elle aurait tant aimé qu’ils soient là et d’ailleurs elle avait toujours espéré dans le fond de son cœur qu’elle retrouvait ses proches disparus après sa mort.

« Allez courage Calliope, faut pas s’laisser abattre ! »

Calliope ne s’était jamais laissé démonter par un évènement quelconque. Elle se mit à faire les cent pas pour se donner l’impression d’agir tandis que son cerveau envisageait toutes les possibilités.

« Bien…tu es seule, on ne sait pas où on est…Il faut donc agir, trouver des informations, voir s’il y a d’autre personne ici…Voilà…C’est un plan… »

La jeune fille poussa un soupir de soulagement. Elle se sentait toujours mieux quand elle avait enfin pris une décision. Et si elle se parlait à voix haute, c’était pour ne pas céder à la peur panique qu’elle sentait poindre dans son cœur.

Calliope décida donc d’explorer tout d’abord le plateau, elle en fit le tour, tentant d’avoir un aperçu complet de l’île, d’en mémoriser sa géographie. Elle aperçut alors un téléphérique.
« Etrange, un téléphérique en plein milieu de nulle part… »

Elle décida donc d’aller voir de plus près si elle ne trouvait pas une trace prouvant que l’île était habitée…par des humains si possible.

*J’ai p’tre été enlevée par des extraterrestres ?*

Qui aurait pu croire que tout changeait inéluctablement en ce monde ? La Vallée cachait bien des surprises, et aimait apparemment à jouer avec ses habitants, tels des pions sur une gigantesque échiquier. Un instant il y avait une île entourée d'eau, l'instant d'après un plateau jonché uniquement de pierres à perte de vue et une vue sur la vallée sans rien autour. Une silhouette était allongée sur une plaque formée de pierres, elle avait la tête en bas et ne tenait que par la force de ses jambes légèrement pliées.

Un froncement de sourcils et un regard argenté se posa sur un point flou droit devant elle. La jeune femme cligna des yeux en voyant que le décor était à l'envers. Un peu d'élan et elle se releva quelque peu, s'agrippant et pans de roche, là où étaient ses jambes, et le laissa glisser au sol. La tête lui tournait, plissant les yeux elle observait le lieux où elle se trouvait. Où étaient donc les autres ? L'humain et l'Ombre ? Et comment avaient-ils fait pour atterrir ici ? Tout ce dont elle se rappelait, c'était qu'elle était avec David entrain de modifier leur future embarcation pour quitter l'île, et la voilà ici sans savoir par quel miracle elle étaient sur la terre ferme.

L'instant d'après, elle cru entendre une voix au loin, une voix féminine. Elle se demandait si c'était cette Ombre, Ellana. Passant ses mains dans ses longs cheveux blancs, Valandra commença à faire un pas en avant et tomba à genoux. Apparemment ce n'était pas encore le moment idéal pour se mettre en quête de retrouver les autres. Sa tête lui tournait encore. Dieu que c'était frustrant. Elle avait d'autres chats à fouetter que de se reposer. La Chimère se regarda un instant, le blanc immaculé de sa cape ne l'était plus. Elle était couverte de poussière et sale. Enfin, le blanc c'est salissant à ce que l'on dit non ? Qui plus est porter du blanc ne servait plus à rien, l'hiver étant passé elle ne pouvait plus se fondre dans le décor. Plissant les yeux, elle aperçut une silhouette au loin, mais difficile de dire si c'était une silhouette féminine ou non. Se relevant tout doucement, elle se remit en marche, en direction de cette silhouette mystérieuse.

[A David de répondre minant ]

*ugh...*

La douleur. Elle était présente dans tout les membres de David, allongé sur le sol. Il était penché sur le côté droit, et son épaule lui faisait terriblement mal, de plus en plus d'ailleurs. Jusqu'au moment critique où l'adolescent eu la sensation que l'on venait de lui arracher tout le bras à main nue. Il ouvrit grand les yeux et se mit à hurler de douleur sans pouvoir se retenir. Il roula rapidement sur le dos, se tenant l'épaule et se mordant la lèvre inférieur pour ne pas crier. Il attendit que la tempête passe durant quelques secondes pour essayer de se mettre à genoux avec quelques difficultés. Chaque vois qu'il essayait de bouger l'épaule droite, la douleur le saisissait. A la rigueur il pouvait bouger le poignet, mais son bras était comme invalide.

En relevant la tête, il aperçut d'abord une silhouette flou, et blanche, non loin de lui. sa vision s'ajusta : cela semblait être Valandra. La dernière chose dont il se rappelle, c'était qu'ils était tout les trois dans le bateau, puis après il y a eu cette tempête - tempête qui a rendu à l'ornimachin sa fonction initiale : voler. et ensuite... Il était là, sur ce qui semblait être un énorme plateau de pierre surélever. Il tenta de se mettre sur ses deux pieds. Oui, c'était bien Valandra, mais au loin il distingua une autre personne. Ellana sûrement. Il se prépara à dire quelque chose mais ses jambes le lâcha et il tomba a genoux, relançant la douleur dans son épaule.

"Putain !"

Calliope s’était avancé en direction du téléphérique rudimentaire. A vrai dire, même si elle gardait son calme, ses nerfs étaient mis à rude épreuve.

*J’ai p’tre été projetée dans la troisième dimension ou un truc du genre ?*

C’était plutôt un cauchemar oui, elle allait bientôt se réveiller dans son lit et rire de sa frayeur. Sauf que tout semblait si réèl et Calliope avait le terrible sentiment qu’elle n’allait pas se réveiller de si tôt.

Un bruit la fit se retourner en un sursaut. Une forme, silhouette vaguement humaine se trouvait sur le bord du précipice de l’autre côté. Calliope ne l’avait pas apperçu auparavant, il fallait dire que le plateau était grand.

*Allez ma fille, on se motive et on va voir qui c’est, tu ne peux pas rester toute seule dans cet endroit étrange !*

Sur cette bonne résolution, Calliope entreprit d’avancer en direction de Valandra, d’un pas prudent. La silhouette s’était redressée et avançait vers elle à son tour.
Lorsqu’elle fut à une distance respectable et qu’elle s’aperçut qu’elle avait affaire à une jeune femme, Calliope lança :

« Qui êtes vous ? »

Question un peu étrange peut-être, elle aurait pu commencer par « Ou suis-je ? » ou encore « Etes vous sorti tout droit de mon inconscient ? ».

Soudain un cri la fit sursauter. Elle décolla d’au moins 10 cm et se tourna effrayée vers la source du bruit. Une autre silhouette sur le sol.

« Vous êtes encore combien ? On dirait que ça pousse comme des champignons ! »

Calliope se mordit la lèvre. Autant éviter l’humour et l’ironie pour l’instant.

« Il n’a pas l’air d’aller bien » ajouta t’elle en désignant d’un mouvement de tête David. « Est-ce votre ami ? »

Ami…Ennemi…On se serait cru au milieu de la jungle.

Valandra avait reprit ses esprits. Sa tête lui tournait un peu moins, cela avait été sans doute dû au fait qu’elle était restée un temps la tête à l’envers. Alors qu’elle marchait vers cette silhouette qu’elle prenait pour Ellana, au fur et à mesure qu’elle avançait, elle plissait les yeux en humant l’odeur. Pas celle d’une Ombre, mais celle d’une humaine. Une fois à ça hauteur, elle fixa l’inconnue, et haussa un sourcil lorsqu’elle lui demanda qui elle était. Un silence de quelques dixièmes de seconde s’imposa avant qu’elle ne daigne répondre quelque chose.

"Normalement ce serait à moi de poser cette question…bref… Valandra, et toi qui es-tu ?" lâcha t-elle sur un ton calme.

Une nouvelle assurément. Puis un cri retentit. La Chimère en chercha la provenance et vit qu’il s’agissait de David, l’humain qui était avec elle sur l’île. Elle se précipita rapidement vers lui et s’agenouilla devant lui. Elle l’examina l’espace d’un instant sans pour autant le toucher et vit qu’il avait mal à son épaule droite.

"Ton épaule est démise…je vais te la remettre" dit-elle en posant délicatement ses mains dessus.

"Attention, ça va peut-être te faire mal…"

Puis d’un coup assez violent, en un craquement sourd, Valandra remit en place l’épaule du jeune homme.

"C’était déboîté apparemment…"

Valandra lança un regard assez noir à la nouvelle lorsqu’elle sortit une blague qui était plutôt de mauvais goût au vu des circonstances du moment.

"Ce n’est pas le moment de aire des blagues de mauvais goût…" lâcha t-elle.

"Ami ?"

L’espace d’un instant, Valandra darda son regard cristallin sur David qui lui faisait face. Un très léger sourire s’imprima sur les lèvres de la Chimère blanche.

"N’allons pas jusque là, disons plutôt compagnon d’infortune car nous nous retrouvons tous dans la même situation désagréable…" s’enquit-elle de répondre.

[Désolée du retard ^^"]

David souffrait terriblement, c'était insupportable. Mais à peine eut-il le temps de tomber sur le sol que l'on vint l'aider. Du moins c'est ce qu'il espéré. Il leva la tête pour voir Valandra.

"Ton épaule est démise…je vais te la remettre" dit elle.


Ho, attends... Tu veux pas dire que ...?

"Attention, ça va peut-être te faire mal…"

Ah bah si. Serres les dents et pense à autre chose. Il était trop tard pour réagir de toute façon.

*Crack*

La douleur était encore plus intense que les premières fois et le blessé réussit à ne pas crier de douleur. Le petit espoir que tout cela ne soit qu'un rêve issu de son esprit tordu disparu à cette instant. Car oui, au fond de lui il se disait encore que ce n'était qu'un rêve ou quelque chose dans le genre. Mais cet petite lueur qui lui donnait le courage de prendre ça un peu à la légère mourut doucement et en silence. Il ne savait toujours pas où il était - Les bas-fond du coma, vraiment ?- mais une chose était sûr, il fallait qu'il soit conscient du danger. Et qu'il arrête de se lamenter sur son sort, ça suffit là.
Il releva les yeux vers Valandra qui le regarda au même instant. David fut troublé, il n'avait encore cette femme qu'il croyait dépourvu de toutes émotions, sourire. Autres choses que la peur et la haine pouvait survivre ici ?

"N’allons pas jusque là, disons plutôt compagnon d’infortune car nous nous retrouvons tous dans la même situation désagréable…"

Ah, ils n'allaient donc pas rester éternellement "côte à côte" alors. Pour qu'elle raison, il voudrait bien savoir, car former une équipe serait plus sûre que de partir chacun de son côté. David se releva difficilement pour voir qu'il n'y avait pas que Valandra avec lui.